Arkana Temporis
(Soleil Zeuhl 21 // CD)
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1er CD de ce groupe qui vient d’effectuer la première partie de MAGMA lors du concert de Bourg les Valence. Un enregistrement fantastique, fortement influencé par le lyrisme de Magma. Recommandé à tous les amateurs de Zeuhl !
Le label Soleil Zeuhl mérite d’être suivi de près car non content d’avoir à son actif la réédition de disques « historiques » d’un intérêt non négligeable, comme ceux de Dün, Rialzu ou Eskaton (dont on attend comme le messie l’initiative d’une réédition de leur chef-d’œuvre 4 Visions), le label produit désormais de jeunes groupes imprégnés de culture kobaïenne. Cycle I de Setna (2008) a par exemple été décrit comme un coup de maître tellement la finesse, la sensualité et l’ambition de ce disque ont su convaincre.
Et si Neom évolue dans un style proche de leurs camarades d’écurie, le groupe possède un centre de gravité nettement plus jazz rock. Et si les exhalaisons seventies rappellent parfois le Mahavishnu Orchestra (« Acte II »), les atmosphères à l’unisson se rapprochent néanmoins du style moderne et tendu de One Shot. Il est à supposer que le rock progressif d’Änglagård n’est également pas inconnu des Français, comme l’illustre « Act 1, part 3 » où le style des Suédois si caractéristique dans la violence de ses contrastes sonores se révèle saisissant. De beaux patronages dont il est à préciser que Neom a su faire une assimilation homogène.
En revanche, Arkana Temporis n’est pas dénué de maladresses compte tenu d’un manque de concision, notamment sur les longues plages de la troisième et quatrième partie de l’« Act I ». Dommage que le ressort y soit si distendu tant les préliminaires des deux premiers actes s’avéraient savoureux. Malheureusement trop lâche, il rate le coït final. Convaincant dans l’énergique comme sur l’étourdissant « Act II – part 1 », Neom est à la peine lorsque les digressions sont étirées sur un ton plus méditatif.
Ce défaut de jeunesse ne peut cependant cacher les qualités indéniables de ce premier essai plein de belles promesses, qui bénéficie en outre de l’excellent travail de mastering d’Udi Koomran et d’une instrumentation brillante. La suite se fait déjà attendre avec impatience.
Christophe MANHÈS (progressia.net)
Nouvelle venue dans le microcosme Zeuhlien, cette formation originaire de Valence réussit d’emblée un premier opus très convaincant. Au vu de la richesse du propos, on est assez étonné de découvrir une formation assez restreinte : Carole Duchene Sauvage au Rhodes et au chant, Yannick Duchene Sauvage au chant plus la guitare et la batterie, et William Pavrelzik à la basse. Est encore cité Alain Simendic pour une courte prestation aux drums lors de l’intro. Mais l’album est très bien produit, très agréable à l’oreille. En ce qui concerne les compositions, un .Act 1 de 40 minutes et 4 mouvements suivi d’un Act 2 de 12’36. Le premier mouvement du premier acte est d’emblée émoustillant. Ce mix de zeuhl et de jazz-rock pétri d’urgence voit ce collectif prester à un très haut niveau, et je parie qu’en blind test beaucoup seraient tentés de dire que l’on entend Magma. Après un intermède atmosphérique, le troisième mouvement reprend la même recette et gagne encore en intensité, à un point tel que la guitare rappelle assez fortement le Mahavlshnu Orchestra. Dommage que la suite s’enlise dans des mélopées un tantinet longuettes qui désamorcent le propos et installent un peu l’ennui. Ils ont la fâcheuse idée de reproduire l’exercice au cours du quatrième mouvement et il faut attendre d’interminables minutes pour goûter à un final plus dense et, de ce fait, plus captivant. Le grand final, l’acte deux, fort heureusement, renoue avec l’intensité des débuts et met en évidence le guitariste, réellement en transe. Son jeu, très électrique, rapide et éruptif m’a fortement rappelé le Jan Akkerman chaud bouillant du début des seventies. II me faut aussi mettre en lumière la maîtrise de Carole au Rhodes et celle du bassiste, plus l’interplay général entre les trois musiciens. L’apparent leader est un très bon compositeur et l’on sent chez lui un potentiel énorme. Dommage que quelques longueurs (disons plutôt des plans un peu trop répétitifs) coupent l’élan du trio car, lorsqu’ils jouent avec fougue, ils font déjà partie de la crème du genre. C’est la raison pour laquelle je maintiens ma note, pour mettre en évidence un potentiel qui ne demande qu’à s’exprimer et une excellence musicale chatoyante à l’oreille. J’attends leur second opus de pied ferme. Révélation !
A. QUANIERS – PROG-RESISTE n° 58- (progresiste.com)
Il paraît difficile de parler de Néom sans immédiatement évoquer Magma : c’est sur la compilation-hommage Hur ! que les Drômois ont fait leurs débuts discographiques ; c’est en première partie du groupe de Christian Vander à Bourg-lès-Valence le 1er mai dernier qu’ils ont pu pour la première fois jouer leur musique devant un large public; et c’est sur Soleil Zeuhl, label à la dénomination on ne peut plus explicite, que paraît aujourd’hui leur premier album. Plutôt que d’insister sur cette parenté musicale, confirmée du reste à l’écoute de sa musique, il serait sans doute plus pertinent de faire un parallèle avec les Rouennais de Setna, autre formation hexagonale associée au label d’Alain Lebon, et d’observer qu’à partir d’une même influence (qui n’en exclut bien sûr pas d’autres), il est possible de déboucher sur des musiques fort différentes.
Certes, en surface les similitudes sont flagrantes : une ¦uvre aux dimensions épiques, s’étendant sans interruption (ou presque) sur plusieurs dizaines de minutes; des signatures instrumentales qui ne trompent pas, de l’utilisation du Fender Rhodes à l’exclusion de tout autre clavier au son de basse saturé et lourd dans les séquences les plus énergiques… Nier cette proximité d’univers sonore et de style, ce serait nier une évidence. Mais s’y arrêter n’en serait pas moins regrettable.
La physionomie apparente du groupe, à la lecture des crédits, suggère l’omniprésence, pour ne pas dire l’omnipotence, d’un seul personnage : Yannick Duchène, unique compositeur, guitariste (et, à ce titre, unique soliste, le Rhodes ne s’émancipant de sa fonction d’accompagnement, assuré du reste avec une irréprochable solidité, que le temps de brèves transitions solitaires préparant le terrain à la prochaine envolée collective), chanteur… et même, le temps de l’enregistrement, faute de titulaire à ce poste, batteur ! À cet apparent despotisme, il convient d’opposer, d’une part, la compétence dont il fait invariablement preuve dans ces différentes attributions, et d’autre part et surtout, l’évidente modestie avec laquelle il la met au service de la musique, sans chercher à tirer la couverture à lui. De fait, il faudra attendre la seconde moitié de l’album pour que la guitare s’autorise des échappées solistes conséquentes, et le dernier morceau pour qu’elle se « lâche » franchement. Le reste du temps, elle joue des parties écrites, qui se combinent aux motifs du Rhodes pour constituer l’assise harmonique de la musique. Il faut dire que le dispositif instrumental très réduit impose une mobilisation constante des musiciens, interdisant le plus souvent de leur accorder un espace soliste conséquent. Il est symptomatique que le plus long chorus de l’album soit… vocal !
Plus proche donc d’un power-quartet que d’un backing-band servile pour leader-dictateur, Néom n’est jamais mis au service de la mise en avant de ses individualités, mais au contraire de la quête d’une osmose collective propice à une transe partagée avec l’auditeur. Cette démarche, logiquement, n’est pas basée prioritairement sur les mots : quelques phrases en français dans le premier mouvement, une autre dans une langue inventée dans le quatrième… Cela n’empêche pas la voix d’être, sous diverses formes non verbales (principalement des chœurs), un intervenant essentiel. Et plutôt apprécié du reste, la voix de Yannick Duchène s’avérant à la fois touchante et variée dans son registre (plus d’une fois elle évoque à s’y méprendre celle d’une femme).
Malgré l’orchestration réduite, la formule fonctionne. Les riffs de Rhodes sont efficaces, leurs métriques impairs introduisant la scansion irrégulière, subtile, caractéristique du genre, et la section rythmique sait imprimer quand il le faut une propulsion plus musclée, ménageant quelques belles montées d’adrénaline. La capacité du groupe à organiser et mettre en œuvre des contrastes appuyés, mais toujours amenés avec un vrai sens de la fluidité, est une qualité essentielle à mettre à son actif.
Certes, on peut estimer qu’il demeure une marge de progression à exploiter à différents niveaux. Mais si certains le trouveront encore un peu timoré dans ses emportements pour tenir la distance sur des formats aussi ambitieux, d’autres estimeront qu’éviter ainsi les extrêmes est garant d’un propos plus accessible, et consensuel au sens noble du terme. Une réserve plus largement partagée portera sur le dosage des différentes séquences, certaines pouvant paraître un tantinet tirées en longueur. Ainsi, le sus-mentionné « chorus vocal » en fin de troisième mouvement, séduisant au départ, se prolonge plus que de raison, tandis que le quatrième met un peu trop longtemps à trouver son rythme de croisière, d’où l’impression d’un « ventre mou » à ce stade de l’album. Heureusement, le groupe se ressaisit ensuite, et le long avant-goût du deuxième acte (premier mouvement seulement, mais il dure à lui seul 13 minutes), riche en rebondissements, des chorus inspirés de basse et de guitare aux tutti tonitruants qui les encadrent, clôt le tout sur une impression plus que favorable.
L’argument de la parenté avec Magma est lui aussi à double tranchant. Certes, elle demeure une ombre un peu envahissante, et peut détourner l’attention de ses qualités pourtant bien réelles, tout comme elle pourra – et c’était le sens de sa participation à Hur ! – contribuer à retenir l’attention de l’une des rares « poches » de public potentiellement réceptives à son propos musical. Gageons que, de toute façon, avec le temps la personnalité de Néom va continuer à s’affirmer et que cette affiliation jouera uniquement son rôle positif, celui d’un tremplin qui le rende visible et audible d’un plus large public. Sa participation au festival de Würzburg (Allemagne) en mars prochain, que l’on espère suivie d’autres programmations similaires, laisse espérer qu’une reconnaissance plus large, et tout à fait méritée, commence à se dessiner. L’aventure ne fait que commencer, alors ne ratez pas le départ !
Aymeric LEROY, BIG BANG